Madame Dominique Vien, ministre responsable du Travail, a présenté le 20 mars 2018 le projet de loi n°176, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail. Plusieurs employeurs étaient extrêmement inquiets à l’idée qu’un tel projet de loi puisse interdire les clauses de disparité de traitement fondées uniquement sur la date d’embauche (communément appelées les « clauses orphelin ») dans les régimes de retraite et d’avantages sociaux.
Le projet de loi contient notamment des dispositions relatives aux enjeux suivants :
Le projet de loi, tel que déposé, interdit les clauses orphelin dans les régimes de retraite et d’avantages sociaux. Par contre, le projet de loi inclut une disposition transitoire prévoyant que cette interdiction ne s’applique pas aux clauses orphelin qui existaient le jour précédant la date d’entrée en vigueur de l’interdiction (c’est-à-dire la date de sanction de la loi, qui reste à être déterminée).
Compte tenu du nombre important d’employeurs ayant intégré de telles clauses dans leur régime de retraite et d’avantages sociaux au cours des dernières années – un peu plus de 40 % des organisations ayant des régimes de retraite selon les statistiques colligées par Mercer – cette disposition transitoire évitera de rouvrir des chantiers qui ont déjà été menés à terme. Une telle réouverture aurait été ardue et aurait pu mener à des conflits de travail importants et non souhaitables. Les employeurs ayant introduit des clauses orphelin par le passé pousseront un soupir de soulagement.
Par contre, l’interdiction de toute nouvelle clause orphelin limite la flexibilité offerte aux employeurs, alors que la possibilité de continuer d’en introduire leur aurait offert plus de souplesse afin de bien répondre aux besoins changeants des nouvelles générations de travailleurs.
Mercer s’inquiète que le projet de loi soit silencieux quant à la possibilité d’introduire des dispositions différentes en fonction de la date d’embauche qui pourraient ne pas être considérées comme des clauses orphelin, par exemple la mise en place de régimes différents mais de valeur équivalente.
À défaut de maintenir de telles options, il est à prévoir que certains employeurs réagiront en accélérant leur transition vers les régimes à cotisations déterminées dans l’avenir. Ainsi, des salariés qui auraient pu conserver un régime à prestations déterminées pendant la période de transition devront migrer vers un régime à cotisations déterminées, même s’ils sont à quelques années de la retraite.
Certaines précisions seront requises quant à l’application des nouvelles dispositions de la Loi, notamment :
Il est également à noter que le projet de loi prévoit un recours pour les salariés croyant avoir été victimes d’une clause orphelin dans un régime de retraite ou d’avantages sociaux, facilitant ainsi le processus de plainte pour ces salariés.
Enfin, nous estimons que l’interdiction des clauses orphelin dans les régimes de retraite, telle qu’elle est rédigée dans le projet de loi, s’applique à tous les salariés assujettis à la Loi sur les normes du travail du Québec, qu’ils participent à un régime de retraite enregistré au Québec ou dans une autre province canadienne.
Le projet de loi augmente notamment le nombre de semaines d’absence autorisées pour certains événements liés à des responsabilités parentales. Il élargit la définition de « parent » et prévoit que certaines journées d’absence peuvent également être prises au bénéfice de personnes, autres que des parents, pour lesquelles le salarié agit à titre de proche aidant. Aussi, le projet de loi prévoit que certaines journées d’absence seront rémunérées.
Le projet de loi réduit de quatre à deux le nombre d’heures supplémentaires quotidiennes qu’un salarié est tenu d’accepter de faire. De plus, sous certaines conditions, le projet de loi permet au salarié de refuser de travailler lorsqu’il n’a pas été informé de son horaire de travail au moins cinq jours à l’avance, et il offre une flexibilité accrue pour l’étalement des heures de travail d’un salarié.
Le projet de loi prévoit qu’un salarié a droit à trois semaines de vacances après trois années de service continu, plutôt que cinq années de service continu.
Le projet de loi incorpore désormais la violence conjugale parmi les causes motivant une absence d’une période d’au plus 26 semaines sur une période de 12 mois.
De plus, le projet de loi prévoit que, dans le cas d’un salarié comptant au moins trois mois de service continu, les deux premières journées prises annuellement à titre d’absence pour cause de maladie, de don d’organes ou de tissus, d’accident, de violence conjugale ou d’acte criminel seront rémunérées.
Le projet de loi oblige les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires à détenir un permis. Il prévoit aussi qu’une agence de placement de personnel ne peut accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l’entreprise cliente qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement uniquement en raison de son statut d’emploi, notamment parce qu’il est rémunéré par une telle agence ou qu’il travaille habituellement moins d’heures par semaine. Le projet de loi ne précise pas le moyen par lequel seraient obtenus ou communiqués les taux de salaire consentis aux salariés de l’entreprise cliente. Cela pourrait avoir pour impact potentiel de diminuer le recours aux agences de placement. Il est important de noter que cette mesure s’aligne avec certaines modifications récentes à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario.
Ces modifications proposées seront appréciées des travailleurs québécois en leur offrant plus de flexibilité dans l’atteinte de la conciliation famille-travail. Elles s’ajoutent par contre à de nombreux autres défis et contraintes pour les employeurs relativement à la gestion de la main-d’œuvre. Il faut espérer que ces contraintes additionnelles ne créeront pas un contexte économique et social limitant la compétitivité des entreprises québécoises face à la concurrence étrangère. Aussi, l’interdiction des clauses orphelin au Québec sera un enjeu pour les employeurs pancanadiens qui désirent introduire des changements uniformes pour tous leurs nouveaux salariés à partir d’une certaine date.
Certains employeurs verraient peut-être l’application différée de l’interdiction des clauses orphelin comme une dernière occasion d’apporter des changements à leur régime de retraite ou d’avantages sociaux et ainsi se prévaloir de la clause transitoire. Toutefois, cette approche n’est pas sans risque puisque l’application différée de l’interdiction pourrait être modifiée d’ici la sanction de la loi.
Finalement, il sera intéressant de voir comment ce projet de loi évoluera au cours des prochaines semaines. En particulier, l’exemption accordée aux clauses orphelin existantes pourrait faire l’objet de récriminations et de pressions de la part des syndicats et des associations de jeunes. Certaines formations politiques ont également pris position en ce sens. Il demeure qu’il existe une certaine pression d’agir compte tenu de la résolution unanime de l’Assemblée nationale de décembre dernier à l’effet d’interdire les clauses orphelin.
En cliquant sur Soumettre, j’accepte que mes renseignements personnels soient utilisés conformément à la politique de confidentialité de Mercer. Je comprends qu’à des fins de traitement, mes renseignements personnels peuvent être transférés à l’extérieur de mon pays de résidence, où des normes de protection des renseignements personnels différentes peuvent s’appliquer.