LE 17 AVRIL 2017
RÉPONSE DE MERCER : LÉGALISATION DE LA MARIJUANA

Le paysage des soins de santé est en évolution constante et continue d’être touché par de nouvelles lois complexes. Le 13 avril 2017, le projet de loi C-45 a été déposé et pourrait avoir une incidence considérable sur les employeurs et leurs effectifs dans les trois secteurs clés suivants :

  • La santé et la sécurité au travail;
  • Les mesures d’accommodement en cas d’invalidité; et
  • La couverture des régimes privés.

La législation du gouvernement fédéral en vue de légaliser la vente et la possession de marijuana devrait entrer en vigueur d’ici le 1er juillet 2018, mais la date précise n’a pas encore été fixée. De plus, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à modifier les dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies. Bien que les effets de la légalisation de la marijuana commenceront probablement à se faire sentir que dans 15 mois, les employeurs devraient se préparer dès maintenant à faire face aux conséquences qu’elle aura sur le milieu de travail.

PROJET DE LOI C-45 – LOI SUR LE CANNABIS


Le projet de loi C-45, la Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, détermine le cadre réglementaire entourant la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis au Canada. Le gouvernement fédéral réglementera l’octroi de permis et la surveillance des producteurs de marijuana, en respectant les droits acquis des producteurs qui détiennent actuellement un permis en vertu du régime d’octroi de permis pour la production de marijuana à des fins médicales. Les provinces réglementeront la distribution et la vente de la marijuana sous réserve des normes minimales du gouvernement fédéral (notamment, l’âge minimal pour se procurer de la marijuana qui est de 18 ans).

De nombreux aspects du cadre de la légalisation de la marijuana doivent encore être précisés dans la réglementation afférente au projet de loi et aux lois provinciales relativement à la vente et à la distribution. En particulier en ce qui concerne l’imposition du cannabis qui n’est pas mentionnée dans la loi. Le gouvernement a annoncé que des précisions à cet égard seraient diffusées au cours des prochains mois.

PROJET DE LOI C-46 – LOI MODIFIANT LE CODE CRIMINEL


Le projet de loi C-46, la Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, modifie les dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, y compris le cannabis et l’alcool.

La législation accroît les sanctions, resserre les dispositions relatives au dépistage et élimine ou restreint certains moyens juridiques de défense lors d’accusation de conduite avec facultés affaiblies. Si l’affaiblissement des facultés est causé par les drogues, la législation prévoit ce qui suit :

  • Contrôle de dépistage au bord de la route : « l’agent évaluateur » est autorisé à demander un échantillon de salive ou un échantillon de sang pour évaluer si la personne a consommé de la drogue.
  • Infractions pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue : création de nouvelles infractions pénales pour conduite avec certaines concentrations de drogue dans le sang dans les deux heures suivant le moment où la personne a cessé de conduire. La concentration de drogue permise sera établie par règlement et pour ce qui est du THC (le composant actif du cannabis), le gouvernement a annoncé son intention d’établir à deux nanogrammes la concentration permise par millilitre de sang. 

COMMENTAIRE


Nonobstant la suppression de l’interdiction criminelle, il est important de noter que la vente de la marijuana (sous forme naturelle, soit marijuana fraîche, marijuana séchée ou huile de cannabis) au Canada en tant que produit de santé pharmaceutique, sans ordonnance ou naturel n’a pas reçu les approbations réglementaires requises. Toutefois, jusqu’à présent, plusieurs produits de synthèse ou dérivés nécessitant une ordonnance1 ont obtenu l’approbation de Santé Canada et d’autres produits sont développés actuellement.

La plupart des régimes de soins de santé remboursent uniquement les médicaments auxquels Santé Canada a attribué un numéro d’identification du médicament (DIN)2 et, en tant que tel, la marijuana utilisée à des fins médicales n’entre pas dans les frais admissibles. Toutefois, les règles fixées dans le cadre des comptes gestion-santé sont souvent plus souples et prévoient le remboursement de certains médicaments inclus dans la liste des dépenses donnant droit au crédit d’impôt pour frais médicaux, dont la marijuana fait actuellement partie. 

L’accès à la marijuana thérapeutique est actuellement régi par le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales. Un médecin ou une infirmière doit fournir à la personne de la documentation médicale indiquant la quantité (grammes par jour) et la durée du traitement; cependant, contrairement à une ordonnance pour un produit pharmaceutique, il n’est pas nécessaire que le document médical précise la force, le produit ou la souche, le mode ou la fréquence de traitement, qui sont déterminés par le patient lui-même. L’Association médicale canadienne se dit préoccupée par le manque de données cliniques démontrant les avantages du point de vue médical et le soutien offert aux médecins quant à leur décision entourant la prescription du cannabis.

Dans les observations soumises au Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, l’Association médicale canadienne préconisait un seul système en ce qui concerne l’usage à des fins médicales ou non médicales, sauf dans des cas spéciaux (par exemple, pour les enfants mineurs). Conformément à la nouvelle loi, les médecins ne seront plus considérés comme les gardiens de l’accès; toutefois, ils continueront de jouer un rôle en ce qui a trait à la documentation de l’invalidité du patient et aux exigences de remboursement d’une ordonnance au titre d’un régime privé ou d’un régime public3, le cas échéant.

Les producteurs qui désirent vendre de la marijuana en tant que produit de santé naturel devront présenter une demande à Santé Canada pour obtenir un permis et fournir des preuves d’efficacité et de non toxicité relativement à toutes allégations santé. 

ASPECTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION PAR LES EMPLOYEURS


L’usage de la marijuana, à de fins médicales et récréatives, pourrait augmenter à la suite de la légalisation. Les employeurs devraient tenir compte des conséquences suivantes que celle-ci aura sur le milieu de travail.

Santé et sécurité au travail
Les employeurs sont encouragés à revoir leurs politiques en matière de santé et de sécurité au travail en ce qui concerne l’usage de la marijuana, notamment :

  • Clarifier leurs politiques sur l’usage des drogues, de l’alcool et de substances relativement à l’affaiblissement des facultés, au dépistage et aux seuils de tolérance4;
  • Établir clairement les exigences, les rôles et les fonctions liés à un emploi qui ont une incidence sur la sécurité, notamment, les exigences en matière d’attention et de capacités cognitives, et de bien les documenter; et
  • Établir des procédures pour évaluer clairement les déficits de rendement par rapport aux attentes relatives à un emploi sans égard à la raison de l’affaiblissement des facultés.

Jusqu’à ce que des méthodes plus uniformes soient établies pour l’évaluation des facultés affaiblies et qu’on parvienne à une entente en ce qui concerne les normes de dépistage, le principe de tolérance zéro en matière d’usage de marijuana demeure l’approche la plus prudente dans le cas d’un poste critique pour la sécurité. Pour ce qui est des protocoles de dépistage des employeurs, les tribunaux continuent d’examiner la sécurité dans le milieu de travail par rapport au respect de la vie privée des employés en tentant de trouver un bon équilibre entre ces deux aspects. Le rejet récent d’une demande d’injonction d’un syndicat contre des tests de dépistage aléatoires (voir Amalgamated Transit Union, Local 113 v. Toronto Transit Commission, 2017 ONSC 2078) est un bon exemple des facteurs que les tribunaux prendront en considération. Les seuils de gravité des infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies auront probablement une incidence sur les preuves que les employeurs devront soumettre pour soutenir les seuils établis relativement aux facultés affaiblies au travail.

Finalement, les politiques en milieu de travail devraient faire en sorte que l’usage de la marijuana à des fins médicales soit sécuritaire, en tenant compte notamment des aspects comme des méthodes de consommation acceptables, l’incidence de la fumée secondaire, l’entreposage et les exigences en matière de sécurité.

Mesures d’accommodement en cas d’invalidité
Les employeurs doivent prendre des mesures d’accommodement pour adapter le travail des employés atteints d’invalidité, y compris des soins thérapeutiques, sans toutefois subir de contraintes excessives. Ils sont encouragés à revoir leurs politiques d’accommodement d’un employé atteint d’une invalidité. On leur recommande de normaliser leurs politiques et pratiques d’accommodement pour s’assurer de l’uniformité et de l’équité, quelle que soit la cause du handicap ou la nature du traitement. Les employeurs peuvent aussi veiller à ce que les employés suivent le traitement qui leur a été recommandé et qui est soutenu par des instances dirigeantes comme l’Association médicale canadienne, et déterminer à l’avance comment aborder les écarts dans l’état de santé de l’employé en se basant sur les directives de traitement.

Couverture des régimes privés
Il est probable que la marijuana à des fins médicales ne sera pas remboursée par les régimes de soins médicaux qui couvrent seulement les médicaments auxquels Santé Canada a attribué un numéro d’identification (DIN) ou les médicaments qui, aux termes de la loi, ne peuvent être obtenus que par une ordonnance. Les promoteurs dont le régime ne comporte pas de telles restrictions ou qui ont déjà exceptionnellement accepté de rembourser de tels frais devraient revoir les dispositions de leur régime et leurs pratiques en matière de réclamations en ce qui a trait à l’admissibilité de la marijuana à des fins médicales.

Les promoteurs de régime qui couvrent les médicaments sans ordonnance et les produits de santé naturels (y compris les promoteurs de régime qui ont des employés au Québec et qui doivent couvrir certains produits de santé naturels conformément au Régime de l’assurance maladie du Québec (RAMQ)) devraient également revoir le texte et les dispositions de leur régime étant donné que Santé Canada pourrait éventuellement accorder des licences de mise en marché pour les produits de marijuana à des fins médicales.

Les promoteurs de régime pourraient également revoir le texte de leur régime d’invalidité concernant l’admissibilité des frais médicaux au remboursement, y compris la marijuana à des fins médicales, dans le cadre d’un programme de réhabilitation. Un sondage récent mené par Mercer auprès de fournisseurs importants d’assurance invalidité a permis d’établir une certaine uniformité dans les pratiques en matière de traitement des sinistres. C’est-à-dire que seuls les frais limités dans le temps peuvent être remboursés, à condition qu’un retour au travail éventuel soit prévu. En tant que telles, selon le sondage, en pratique, les thérapies d’entretien, y compris la marijuana à des fins médicales, ne sont pas couvertes. Toutefois, quelques fournisseurs ont définis clairement dans le texte de leur régime les frais admissibles aux fins d’un programme de réhabilitation, susceptibles d’entraîner des difficultés.

Dans le cas des employeurs qui envisagent d’ajouter la marijuana à des fins médicales à leur couverture, il y a lieu de noter qu’il existe peu de preuves qui viennent appuyer l’utilisation de la marijuana à des fins médicales en termes de coûts et d’avantages. Pour certains employeurs, l’équilibrage des intérêts peut justifier l’ajout de cette couverture à leur assurance, tandis que pour d’autres, ce n’est pas le cas. Par conséquent, une analyse minutieuse de la situation de chacun s’impose.


 

1 Dronabinol (Marinol®) pour le traitement des nausées et des vomissements liés au cancer et à l’anorexie liée au SIDA, Nabilone (Cesamet®) pour le traitement des vomissements liés au cancer et Sativex® pour le traitement des douleurs neuropathiques et la spasticité en présence de sclérose en plaques, et des douleurs modérées à sévères dans le cas d’un cancer à un stade avancé.
2 Une décision récente de la Commission des droits de la personne en Nouvelle-Écosse (décision Skinner) a obligé un régime à couvrir la marijuana prescrite à des fins médicales si les termes du contrat n’exigeaient pas qu’un médicament comporte un numéro d’identification (DIN) et si le régime avait déjà exceptionnellement accepté de rembourser de tels frais.
3 L’Association des commissions des accidents du travail du Canada (ACATC) n’a rien publié au sujet de sa position officielle en ce qui concerne la couverture de la marijuana à des fins médicales en cas d’accident de travail; toutefois, l’ACATC a déclaré que, dans de rares cas, il est arrivé que les frais de certains patients leur soient remboursés après avoir fait appel.
4 Les lignes directrices relatives au dépistage mises au point dans les milieux de travail fédéraux aux États-Unis par la U.S. Substance Abuse and Mental Health Services Administration (l’administration américaine de l’abus de substances et des services de santé mentale) ont été citées dans la jurisprudence canadienne (voir : Amalgamated Transit Union, Local 113 v. Toronto Transit Commission, 2017 ONSC 2078).

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